Les crédits carbone : un excellent outil pour financer la transition

September 30, 2022

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Carbon neutrality
Grégoire Guirauden

Grégoire Guirauden

Grégoire has worked for more than 6 years in the digitalization of companies and the scaling of customer success teams. He is deeply passionate about climate change and green technologies.

Pourquoi décrédibiliser les crédits carbone est une grave erreur dans la lutte contre le changement climatique ?

Disclaimer : je suis d'accord vous que la priorité est la réduction des émissions de tout acteur économique. J'apporte un point de vue sur l'utilité complémentaire des crédits carbone dans la réduction des émissions et dans la lutte pour le changement climatique.

Les crédits carbone sont un outil

Si les crédits carbone sont parfois mal utilisés, ce n'est pas forcément un mauvais outil

Les critiques ne cessent de pleuvoir de tout bord sur les crédits carbone. La récente vidéo de John Oliver a encore relancé le débat sur l'utilité ou la l'aspect contre-productif des crédits carbone. Je pense que nous faisons une erreur en s'attaquant au mécanisme plutôt que de cibler précisément ses mauvais usages.

La chronique de John Oliver sur les crédits carbone.

Le crédit carbone est avant tout un outil de monétisation du carbone, entre des acteurs qui en émettent, comme toute activité économique, et des acteurs qui réduisent ou capturent des émissions de gaz à effet de serre. Rappelons également que les crédits carbone répondent à des critères précis afin de générer des puits de carbone.

Rappel sur les caractéristiques d'un crédit carbone volontaire

Le crédit carbone a été mis en place pour aider les pays engagés dans le protocole de Kyoto à tenir leurs promesses.

  • C'est un mécanisme volontaire, les entreprises qui achètent des crédits carbone n'en sont aucunement contraintes.
  • Les projets qui peuvent bénéficier du système de crédit carbone sont soumis à des critères très stricts de sélection, qui permettent de rendre le mécanisme aussi vertueux que possible.
  • L'argent apporté doit permettre de financer des solutions à impact positif, ayant besoin de ces financements pour déployer leurs projets et lutter concrètement pour développement durable.
  • Les crédits carbone sont désormais utilisés en complément des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre existantes des entreprises et non pas en remplacement, sous peine d'être sévèrement et justement critiquées, voir hors-la-loi à partir de 2023 en France.

Les crédits carbone, ce n'est pas un droit à polluer ? Une indulgence ?

Oui, les crédits carbone viennent contre-balancer les émissions résiduelles inhérentes de l'entreprise

Effectivement, le crédit carbone vient contre-balancer les émissions de gaz à effet de serre restantes des entreprises. Mais que les entreprises achètent ou non des crédits carbone, elles s'accordent visiblement le droit à polluer quand on considère les chiffres du réchauffement climatique. Ce qui est inhérent à l'activité économique, car tout notre système étant fondé sur la consommation d'énergie. Je préfère de mon côté un droit à polluer payant qui permet de financer la transition et participe au bien commun qu'un droit à polluer de facto qui n'apporte rien.

Quant aux indulgences, encore une fois, c'est une question d'usage de cet argent et des volumes associés. Si les crédits carbone servent à financer des projets peu vérifiés, peu utiles et peu crédibles à des prix dérisoires n'incitant pas l'entreprise à réduire son empreinte, cela est clairement critiquable. Si les projets sont utiles au bien commun, dûment vérifiés, et qu'ils incitent à la réduction en mettant un prix interne au carbone dans l'entreprise, nous sommes alors dans un mécanisme vertueux en tout point.

Les crédits carbone : un droit à polluer ? Oui mais payant !

Les crédits carbone : la mise en place d'un droit à polluer payant, plutôt qu'un droit à polluer gratuit !

Pour résumer :

  • Oui les crédits carbone peuvent être vus comme un droit à polluer
  • Mais toute manière les entreprises “polluent l' environnement”, puisqu'elles ont une activité
  • Il vaut mieux que les entreprises s'appliquent un prix à leur pollution plutôt que de polluer gratuitement.
  • Il faut que les projets financés soient utiles et pertinents pour la transition
  • La communication ne doit pas être mensongère, mais il n'y a pas de problème à  ce qu'une entreprise qui achète des crédits carbone en plus de ses actions de réduction puisse le dire honnêtement dans sa communication.

Mettre un prix au carbone : le mécanisme le plus efficace pour l'économie de marché

Les crédits carbone : un prix au carbone volontaire pour accélérer la transition bas carbone

Je crois profondément que la seule manière d'accélérer le financement de la transition (et donc la transition) est d'intégrer les valeurs environnementales dans le système économique.

  • Si ce monde ne comprend que l'argent, donnons une valeur monétaire à ce qui nous est le plus précieux.
  • Sans cette valorisation des éléments environnementaux, les solutions à impact positif ne pourront jamais se développer suffisamment vite par rapport à leurs concurrents carbonés.

Cela doit commencer par les émissions de dioxyde de carbone, où les systèmes de mesure sont relativement matures, puis aux autres éléments dégradant nos écosystèmes : eaux, déchets, micro-plastiques, particules fines etc.

Acheter des crédits carbone pour une entreprise revient à littéralement sortir de l'argent de son écosystème, pour une valeur consommable (le crédit carbone sera rattaché à un bilan carbone), du fait de son manque de réduction d'empreinte carbone. Moyennant un prix des crédits carbone raisonnablement haut (comme le suggère le décret de loi français sur la neutralité carbone effectif au 1 janvier 2023), cela est un mécanisme incitatif fort pour réduire sa propre empreinte.

Crédits carbone vs quotas carbone EU-ETS

Les crédits carbone constituent en réalité une taxe carbone volontaire, qui a les deux avantages suivants par rapport notamment au système des quotas carbone européens (EU-ETS) :

  • Il peut s'appliquer à tout type d'entreprise
  • L'argent finance des projets utiles pour la transition au lieu de rémunérer les meilleurs acteurs.

Quant à l'argument que cela permettrait à des grosses entreprises de survivre alors qu'elle devrait disparaître, je n'y souscris pas pour 3 raisons :

  • Je ne pense pas que catégoriser les grandes entreprises comme le mal absolu soit la bonne manière d'avancer, a fortiori quand ces structures ont des savoir-faire, des capacités financières et un impact potentiel énorme.
  • Je pense que les grosses entreprises sont remplies de gens tout aussi bien intentionné que dans les petites, car nous serons tous impactés, donc je ne vois pas pourquoi ces structures seraient peuplées d'affreux climato-sceptiques.
  • Et même si mes deux assertions précédentes étaient fausses, je ne pense pas que les crédits carbone qu'elles achèteraient seraient le déterminant qui leur permettre de survivre ou pas.
Evolution du prix des quotas carbone, à ne pas confondre avec les crédits carbone, depuis leur mise en service.

Financer les meilleurs projets de transition par les crédits carbone

Il faut multiplier par 6 l'argent dans les solutions de transition bas carbone

La transition a cruellement besoin d'argent. Selon cette étude du BCG, il faudrait multiplier les investissements par 6, les faisant passer de 600 Mds€ par an à 3500mds€ pour atteindre les objectifs des Accords de Paris. En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) indique qu'il manque 20 à 40 Mds € par an pour respecter les +2°.

Par ailleurs, les freins majeurs pour les solutions bas carbone tournent autour de ce sujet :

  • Manque de compétitivité face à leurs concurrents carbonés faute d'un prix carbone universel et suffisamment élevé
  • Peu d'accès aux fonds d'investissement du fait des lourds investissements nécessaires pour des gains moindres que les investissements digitaux
  • Un accès au financement bancaire existant mais peu aisé du fait du manque de visibilité de la valorisation des gains carbone de ces entreprises.
  • De nombreuses solutions sont encore des phases de maturité peu avancée, et n'ont pas atteint leur taille critique pour être compétitive (cf le 3ème rapport du GIEC sur l'évolution du coût des ENR et donc de leur adoption au regard des investissements massifs dans ces secteurs.)

Les projets bas carbone en Europe ou dans les pays en développement ont besoin de cet argent pour se déployer à grande vitesse

Enfin, un des critères essentiels des crédits carbone résident en l'aspect additionnel des projets. Les crédits carbone doivent permettre de financer des projets qui n'auraient pas pu voir le jour sinon. Ces projets peuvent être mis en place en Europe ou dans les pays en développement, même s'il faut être très vigilant aux effets rebonds, lorsque l'on achète des crédits carbone pour des projets dans des pays en développement. Chez Riverse nous favorisons l'investissement dans des projets bas carbone en lien avec le secteur d'activité de l'entreprise.

Ainsi, la transition a besoin d'argent, des projets vertueux et utiles ont besoin d'argent, et les crédits carbone intègrent dans leurs critères de sélection ces éléments.

A-t-on vraiment le luxe de se priver d'abondantes ressources financières disponibles ?

L'argent existe : financer la transition écologique ou rémunérer BlackRock ?

L'argent existe : bénéfices records pour le CAC40 en 2020

37 entreprises du CAC 40 ont enregistré un résultat net positif en 2020. Sur ces 130 Mds de bénéfices (record battu), 45% de ce montant est revenu aux actionnaires. Je ne critique pas cette démarche, notre système rémunère les actionnaires qui investissent dans les entreprises, jusque là tout va bien.

Sur l'empreinte carbone scope 1 2 3 du CAC40, s'élevant à 2 274Mt CO2 (sans le scope 3 du secteur bancaire) - la France est à 430Mt par comparaison, seul 12,5M de crédits carbone soit 0,5% du total (on ne peut pas vraiment parler d'une ruée sur le greenwashing).

Résultats financiers détaillés du CAC40 en 2020

10% du résultat net du CAC40 = 12Mds€ pour la transition par an (vs 6Mds€ pour France Relance)

Si nous prenons 10% du résultat net des entreprises bénéficiaires, et nous les mettons dans des crédits carbone servant la transition (biogaz, bioH2, ressources bois, recyclage, reconditionnement, efficacité énergétique), cela apportera en 2020 17Mds€, soit 3 fois plus que le plan France Relance pourtant historique de Macron, s'élevant à 30Mds€ sur 5 ans, soit 6Mds€ par an.

Rappelons que le CA combiné du CAC40 représente 1200Mds€, et que le PIB français est de 2000Mds€ par an environ. Les poches de financement possibles sont donc innombrables.

Je conviens que cette première analyse est grossière, et je vous invite à rentrer en contact avec moi pour plus de détails, mais dans tous les cas de figure, des sommes d'argent colossales pourraient être distribuées correctement avec un mécanisme de crédits carbone efficaces et utilisé par tous.

Je serai ravi d'échanger avec vous sur le sujet car j'ai conscience de présenter une opinion pouvant être contraire à certaines autres, mais soyez sûr que je partage la même planète que vous, les mêmes convictions, et que je suis tout autant à la recherche d'une solution au problème colossal face auquel nous faisons face.

Grégoire Guirauden

Grégoire Guirauden

Grégoire has worked for more than 6 years in the digitalization of companies and the scaling of customer success teams. He is deeply passionate about climate change and green technologies.

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